Le judo : un espace d'adaptation socio-conative

 

TURPIN Jean Philippe

Equipe Corps et Culture

UFRSTAPS

700 Avenue du Pic St Loup

34090 Montpellier

j-philippe.turpin@worldonline.fr 

Lieu de travail

1 Le judo comme médiateur :

Il s'agit d'envisager les arts martiaux, et plus précisément le judo, dans sa fonction de médiation de l'homme avec le monde. Le judo peut-être en effet considéré comme l'un des nombreux outils dont se sont dotées les sociétés pour à la fois se représenter et exprimer leur expérience du réel. Dans la mesure où il est institué, donc représentatif d'une culture, il a une double fonction. La première est collective : elle consiste à permettre aux individus d'exprimer, à une époque donnée, des préoccupations sociales, des conations[1] collectives. Ce n'est pas un hasard si le Japon fut si réceptif à l'introduction du judo répondant très précisément à ses aspirations de modernisation et d'autonomisation. La deuxième est individuelle : le sujet qui pratique le judo est tenu d'en percevoir la logique profonde, les codes, les valeurs... L'activité contribue ainsi à son inscription dans le monde. Mais si le sujet a besoin d'intégrer ces données, il n'empêche qu'il les fait toujours fonctionner à l'aune de ses propres finalités, de ses conations individuelles. Il ne s'agit donc pas d'un processus au cours duquel on inculque au sujet passif une norme constituée mais plutôt d'un ajustement socio-conatif qui devient alors constituant. C'est aussi cet espace, ce léger décalage entre finalités de l'activité et finalités du sujet qui permet de comprendre l'évolution de l'activité au fil du temps.

C'est cette fonction d'inscription du sujet dans un système symbolique qui sera plus particulièrement analysée ici à partir de l'étude de trois enfants pratiquant le judo dans un centre de rééducation psychologique. Il s'agit de montrer comment l'investissement de ces enfants est fortement dépendant du vécu individuel de chacun d'entre eux, alors même qu'ils pratiquent dans les mêmes conditions. Cette analyse permet de comprendre les processus d'ajustements socio-conatifs qui sont mis en œuvre dans la pratique d'une activité physique et comment ils contribuent à nous éclairer sur le fonctionnement du sujet en difficulté d'adaptation.

 

2 Les enfants de l'abandon

Le travail se situe dans le champs des activités physiques adaptées, pratiques d'éducation physique proposée aux populations en difficulté d'adaptation. Les enfants qui ont fait l'objet de l'étude sont présentés comme souffrant de troubles du comportement et de la conduite : ils ont été placés dans une institution suite à des échecs scolaires massifs. Pour les caractériser mieux on pourrait dire que ce sont des enfants qui ont soufferts de carences affectives importantes C'est pourquoi le terme "d'enfants abandonniques" sera préféré à "troubles du comportement" qui demeure une notion trop peu explicite. Abandonniques parce que non abandonnés ; Gaspari-Carrière, dans son ouvrage (Gaspari-Carrière, 1989) rappelle que la caractéristiques de ces enfants est de n’avoir jamais été clairement abandonnés, sans avoir été pleinement désirés.

            Tel est bien souvent le cœur de la souffrance de ces enfants. Si dans le cas de l’abandon réel l’enfant doit effectuer un deuil, qui laissera une cicatrice de moins en moins douloureuse avec le temps, la blessure des enfants abandonniques ne se referme pas, et l’angoisse augmente et se distord à chaque nouvel abandon. « La souffrance abandonnique surgit moins de l’abandon pur et simple, en tant que fait ponctuel, que du caractère diffus d’un rejet dont le temps premier échappe et restera insaisissable. » (Gaspari-Carrière, 1989, p.106)

 

            Les origines des troubles de ces enfants se situent au confluent d’un rejet affectif et d’une misère socioculturelle. On assiste souvent à une démission du couple parental dans un contexte socioculturel défavorisé. Les familles de ces enfants abandonniques se caractérisent par leur impuissance à les aimer mêlée à leur impossibilité de les rejeter sans détour. Ainsi, c’est le caractère diffus du rejet, restant en partie insaisissable pour l’enfant, qui provoque la souffrance abandonnique.

Angoisse d’abandon, besoin excessif d’amour, comportement caractériel, agressivité, masochisme, sentiment de non-valeur composent le tableau clinique de ces enfants.

 

Très vite lorsqu'il est confronté à ces enfants sur un tapis de judo, l'enseignant s'aperçoit qu’ils présentent un certain nombre de caractéristiques indiquant qu’ils ne pratiquent pas le judo comme des enfants "ordinaires" et surtout comme il souhaiterait qu’ils le fassent. Ils manifestent en effet un certains nombres de comportements qui conduisent à penser qu’ils transforment le judo qui leur est proposé de manière à ce qu’il « colle » avec leur fonctionnement habituel. On peut observer par exemple :

- Pas de face à face

- Evitement du contact

- Agitation

- Actions corporelles spécifiques

Le but de cette étude est d'essayer de comprendre pourquoi ils agissent de cette manière, et plus précisément de se demander si l’on peut imaginer un type d’organisation particulier de ces enfants par rapport à l’activité, qui pourrait même déboucher sur la description d’un judo caractéristique de cette population.

 

3 Etude de l'investissement des enfants abandonniques

L'idée principale est que leurs actions en judo reflètent leur mode personnel d'appropriation de l'activité. Plus précisément, l'hypothèse affirme que les enfants s’investissent toujours de manière à garder stable un univers qu’ils ont construit.

Est reprise ici une idée de Bernard Lahire (1998) selon laquelle l’action des sujets vise toujours à ne pas contrarier trop fortement leur programme moteur de socialisation incorporé.

Cette hypothèse sera testée par l'étude de trois cas.

 

1. Yvon

Yvon débute dans l’activité par une tendance à se faire oublier sur le tapis en se mettant dans un coin, il a des difficultés à faire des roulades, et une peur significative de la chute. Il entre dans le rapport de force mais avec prudence. Face à face, il essaie de pousser son adversaire en espérant que celui-ci cède mais si ce n’est pas le cas, alors il se laisse faire, devient passif et refuse le combat la fois suivante. Lorsque son adversaire est en boule, il fait quelques tentatives pour le retourner mais sans réelle intention de le faire, il n’enchaîne aucune action et relâche très vite sa pression. Quand c’est lui qui est pris en immobilisation sur le dos, il n’essaie pas de se dégager. L’évaluation montre qu’il a compris ce qu’implique l’activité mais on s’aperçoit par contre que son mode d’action consiste à dénier au judo son principe d’opposition puisqu’il n’offre aucune résistance. On peut bien sûr rapprocher cela de l’image très dévalorisée qu’il a de lui-même, qui le caractérise dans son dossier médico-psychologique et qui influe sur toutes ses conduites au centre. Le rôle de « souffre-douleur » que le groupe lui attribue trouve ici l’occasion de s’exprimer pleinement. L’opposition duelle qui permet normalement à l’individu de s’affronter, c’est-à-dire d’exprimer sa valeur, est pervertie par Yvon. L’ambivalence, décrite par le psychologue de l’institution, entre le besoin de se soumettre, de s’en remettre complètement à l’autre, et celui de s’adapter à lui évolue nécessairement vers la soumission dans cette situation, puisqu’il est complètement passif et se laisse manipuler.

            Mais le dossier médico-psychologique décrit aussi une demande particulièrement importante de Yvon vis-à-vis de l’adulte. Il a besoin d’être soutenu, accompagné, motivé. Les personnes qui le côtoient au centre insistent sur le fait que ses réussites doivent être fortement valorisées. Et c’est ce qui s’est produit sur le tapis de judo. Au fur et à mesure des séances, Yvon a toujours été encouragé et soutenu. On observe au bout de dix mois de pratique qu’il a pris de l’assurance, il maîtrise des techniques et son appréhension des chutes a fortement diminué. Le progrès principal réside dans le fait qu’il accepte maintenant la situation de combat dans laquelle il fait de réelles tentatives de projections. Il sait maintenant adopter des stratégies adaptées selon qu’il est dans une position de dominant ou de dominé. On constate également qu’il ne relâche plus la pression durant le combat. Cependant, il fait preuve de réticences importantes pour accepter le combat contre des enfants dont il sait qu’ils sont « plus forts » que lui. Si on peut, en fin d’année, l’évaluer à un niveau où il organise une défense, on constate aussi qu’il n’est pas complètement sorti de sa logique de refus de l'activité.

 

2. Bob

            Au niveau du judo, Bob a du mal à fixer son attention et se concentrer longtemps sur les exercices. Il se met très rapidement en situation d’opposition avec ses pairs ou avec les enseignants. Ses difficultés s’expriment au niveau du respect des règles et de la maîtrise de soi. Il présente une tendance à s’opposer aux règles de fonctionnement de groupe (il est agité, agressif, s’impose aux autres...) associée à une recherche de gratification. Car il a besoin qu’on le responsabilise, qu’on lui fasse confiance. Il travaille beaucoup plus et beaucoup mieux lorsqu’il est seul avec un adulte, il est très sensible aux félicitations. Son évaluation terminale montre qu’il a assimilé les principes fondamentaux du judo et qu’il sait se positionner selon son statut d’attaquant ou défenseur. Comme dans le cas précédent, Bob a bénéficié du suivi très individualisé d’un étudiant présent sur le tapis, ce qui lui a permis d’accéder à de nombreux apprentissages. Il connaît certaines techniques debout ainsi que des immobilisations au sol, il est capable d’effectuer des retournements. Mais au plan du respect des règles, de ses difficultés à se maîtriser, il garde une fragilité, qui constitue un obstacle à une progression plus importante. Les observations des personnes qui le prennent en charge au centre vont dans le même sens. Durant l’année, il a pu ainsi montrer de bonnes dispositions et des progrès face aux apprentissages scolaires mais il garde un grand besoin d’être encadré pour contenir tous ses débordements. On s’aperçoit ici comment le judo est un outil fort approprié pour Bob puisqu’il le place dans une situation qui l’oblige à répondre à une certaine forme de frustration : le rôle de l’adversaire consiste justement à faire le contraire de ce que l’on souhaiterait qu’il fasse. Cependant, cela se déroule dans un espace et un temps qui sont très limités ce qui offre à Bob un véritable « laboratoire » dans lequel il peut faire des « micro-expériences » qui n’auront pas d’impact direct sur sa vie quotidienne. Après un an de pratique, on peut constater que Bob fait des progrès sur le plan technique, ce qui n’est pas étonnant car son niveau de compréhension est normal, mais lorsqu’il est dans une situation menaçante comme peut l’être le combat, il ne parvient pas à s’adapter de manière complètement satisfaisante. Le travail pédagogique qui a été effectué avec Bob a montré sa pertinence puisque la personne qui l’a suivi en judo a très bien compris que la relation à l’activité que pouvait construire cet enfant se fondait essentiellement sur son insécurité et la fragilité de son identité, due à ses expériences traumatiques vécues et mal surmontées.

 

3. Jacques

En judo, Jacques participe pleinement aux séances. Il apparaît d’un tempérament vif et joueur ce qui contraste avec les descriptions qu’en font ses instituteurs. Au sol, il parvient à effectuer des immobilisations et à reproduire des techniques mais il les « oublie » d’une fois sur l’autre. Il maîtrise les chutes et n’hésite pas à prendre des risques. Il n’a pas de problème pour accepter les combats mais préfère ne pas porter trop d’attaques et agit sous forme d’esquives ou de contres. Au niveau relationnel, Jacques a tendance à entretenir des relations privilégiées avec quelques membres du groupe mais accepte volontiers d’en changer si l’adulte lui demande. Il peut arriver qu’il ait des altercations avec d’autres enfants mais ce sont eux qui en sont à l’origine. Il ne pose pas de problème d’investissement car il donne le meilleur de lui-même. Son évaluation montre un bon niveau sur le plan de l’acceptation du combat, par contre, il éprouve des difficultés à mettre en œuvre et utiliser des techniques en situation. D’une manière générale, c’est l’apprentissage de techniques qui pose problème. D’ailleurs, Jacques ne s’investit jamais rapidement dans les nouvelles situations. Il prend le temps d’observer longuement ce qu’elles impliquent, l’écoute des consignes lui demande de la concentration et il réclame souvent des compléments d’explication à l’adulte.

            Comme le remarque le psychiatre, c’est principalement au niveau de la sphère intellectuelle que s’expriment les difficultés de Jacques, même si elles s’originent dans un choc psycho-affectif. Là encore, on perçoit tout l’intérêt que peut présenter le judo car, s’il repose sur des apprentissages techniques, il ne s’y réduit pas. C’est ainsi l’occasion pour Jacques de s’exprimer et s’affirmer, dans une activité qui demande une compétence mais qui est différente d’une activité de type scolaire. L’école a l’inconvénient d’être basée avant tout sur le langage c’est-à-dire ce que Jacques domine le moins. Ici, on perçoit que même s’il a des difficultés d’apprentissage, dues à sa lenteur, à sa difficulté de compréhension des consignes, il s’investit dans l’activité : il en accepte les principes qu’il essaie de faire fonctionner selon ses propres moyens. Cela s’avère d’ailleurs payant puisque les progrès effectués lui permettent de s’affirmer de plus en plus dans le groupe. La période de pratique n’ayant duré qu’un an, le groupe n’a pas atteint un niveau suffisant pour que la compétence technique devienne une condition première de réussite dans l’activité. On peut penser que si cela avait été le cas, Jacques aurait été gêné et ses progrès fortement ralentis du fait de ses difficultés d’apprentissage. Néanmoins, on peut également faire le pari que la confiance acquise dans cette première phase de pratique peut-être un des éléments qui l’aurait suffisamment mobilisé pour lui permette de progresser aussi dans ce domaine.

            L’analyse du cas de Jacques retient l’attention sur l’outil que constitue le judo et peut-être plus largement l’activité corporelle. La théorie de Vygotski (1994) et notamment l’articulation entre « intellect » et « affectivité » peut ici s'avérer pertinente. Jacques illustre parfaitement la relation qu’entretiennent ces deux domaines à travers ses symptômes. Les termes du psychiatre dans le dossier n’entretiennent aucune ambiguïté : « Inhibition intellectuelle d’origine psycho-affective ». Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ce que recouvre cette phrase qui pourrait constituer à elle seule l’intitulé d’un vaste programme de recherche sur plusieurs années ! Mais si on accepte cette explication, on comprend aussi pourquoi Jacques s’investit sans problème dans l’activité. Elle offre en effet l’avantage de solliciter le sujet sur les deux plans. Mais elle évite de prendre Jacques « de front » comme peut le faire un problème de mathématiques dans la mesure où elle ne demande pas un effort important sur le plan cognitif (mémoire, compréhension...etc.) sans non plus jouer uniquement sur la dimension « affective », (comme pourrait le faire par exemple une activité où c’est le plaisir immédiat qui est recherché). Le judo permet ainsi de « jouer » sur les deux dimensions relativement facilement. Si pour Jacques, les éducateurs n’ont pas été trop exigeants sur le plan des compétences techniques, ils ont su par contre veiller à l’investissement important de l’enfant. On peut supposer que pour Yvon et Bob c’est en insistant sur les apprentissages techniques, leur donnant une certaine assurance sur le plan de leur compétence et donc de leur estime de soi que l’on pourrait leur permettre d’accéder à une activité qui ne soit pas dénaturée, c’est-à-dire qui impose la projection en situation d’opposition.

 

            Les progrès des trois enfants peuvent être analysés en fonction de ce qui peut être défini comme une « zone proximale de signification », en écho à la "zone proximale de développement" définie par Vygotski (1985). Les observations permettent de remarquer que chacun d’eux s’investit dans l’activité selon une logique différente, phénomène qui n’aurait peut-être pas été observé au premier abord. Si tous les trois ont bien compris ce que le judo leur demande, chacun d’eux se positionne différemment. Yvon va tenter de se faire discret, se faire oublier, afin d’échapper à ce qu’il redoute c’est-à-dire la confrontation à l’autre. Ce duel évoque sans doute chez lui une remise en cause trop importante de ce qu’il est. Pour Bob, c’est le système de contraintes, c’est-à-dire les règles inhérentes au fonctionnement d’un groupe qui sont au cœur de sa problématique. Ses infractions seront donc autant d’appels pour être pris en compte, regardé, écouté. Pour Jacques enfin, c’est la dimension cognitive qui refuse d’être sollicitée trop fortement. Cependant, tous les trois « acceptent de jouer » à condition qu’on leur reconnaisse le droit d’amender certaines règles. Yvon accepte de s’investir à condition que son identité soit préservée, c’est-à-dire qu’il ne soit pas en situation de combat trop rapidement. Bob sollicite quant à lui une forte valorisation et une prise en charge très individualisée. Jacques demande à ne pas être trop sollicité sur le plan de la mémoire et la compréhension...etc. Il s’avère que le contexte dans lequel se sont déroulées les séances de judo a permis aux adultes relativement nombreux de tenir compte de leurs sollicitations. Cela ne signifie pas que les enseignants y aient répondu de manière conforme à l’attente des enfants, auquel cas aucun progrès n’aurait pu prendre place. Au contraire la mise en place d’une pédagogie adaptée les a conduit à ne pas sacrifier les exigences de l’activité judo, tout en créant pour chacun des enfants les conditions d’un compromis entres les contraintes de l’activité et celles du vécu des enfants. C’est de ce compromis, dans cette zone proximale entre sens de l’activité et sens qu’y projette l’enfant que l’action peut prendre place, condition essentielle à toute progression.

 

Conclusion

Si l'on reprend l’ensemble du parcours effectué celui-ci a débuté en posant la question : Qu’est ce qui pousse à agir les enfants abandonniques quand il pratiquent le judo ? Cette question pourrait être élargie à : Qu’est ce qui nous pousse à agir ? El la réponse serait : C’est retrouver dans la situation ce que l’on est au plus profond de soi. On ne peut agir que si l’on retrouve dans l’environnement des éléments qui nous confortent dans ce que l’on est. Dans le cas des enfants abandonniques le problème se pose de manière cruciale parce que tout leur vécu est en opposition avec le social c’est-à-dire que ce qui les pousse à agir est très souvent inacceptable du point de vue de la culture, notamment scolaire, dans laquelle nous vivons. C’est en fait cela qui est démontré en disant que les enfants ont une manière spécifique de résoudre le conflit socio-conatif.

Il me semble important de noter que le sens est au cœur de ce conflit c’est-à-dire que c’est lui qui est à l’articulation du sujet et de l’environnement. Je rappellerais ici que le mot sens peut être envisagé dans une double acception. Le sens est à la fois une signification est une direction. Cette double réalité du terme « sens » est de mon point de vue tout à fait pertinente si on considère que le sens c’est ce qui est construit par le sujet à partir de son être-vécu mais c’est aussi ce qui lui montre la direction à prendre pour agir, ce qui va nécessairement le transformer.

 

Il semble que ce travail peut avoir des répercussions à différents niveaux :

1) Pédagogique d’une part. Partir d’un problème de terrain engage à y retourner. Ce travail montre qu’il est essentiel pour mobiliser les enfants de proposer une pédagogie qui respecte le sens qu’ils construisent au moment où ils agissent. C’est la définition même de la pédagogie conative telle que la développe Gilles Bui-Xuân (1993, 1995).

 

2) Répercussions théoriques ensuite. L'étude de la pratique du judo d'enfants en grand difficulté permet de comprendre comment les individus peuvent s'approprier une culture à travers l'utilisation de ses outils. Les APS et les sports de combats en particuliers sont un bon exemple d'outils culturels. On peut s'apercevoir ici que l'utilisation de ces outils nécessitent au préalable que l'individu soit compris dans ce qui le pousse à agir au plus profond de lui-même.

 

Références Bibliographiques

Bui-Xuân G. (1993) Une modélisation du procès pédagogique. In : Enseigner l'EPS./ed. par Bui-Xuân G., Gleyse J., Clermont-Ferrand, AFRAPS, 77-90.

Bui-Xuân G. (1995) Un modèle pédagogique humaniste pour l'an 2000. In : Fin de siècle : quelle école ?/ed. par Guth R. Montpellier, Les cahiers du GRAPIEN, 313-334.

Gaspari-Carrière F. (1989) Les enfants de l'abandon. Traumatismes et déchirures narcissiques. Toulouse, Privat.

Lahire B. (1998) L’homme pluriel. Les ressorts de l’action. Paris, Nathan.

Turpin J.P. (1997) Le conatif : outil théorique pour la prise en compte de la dimension culturelle de l'action, In : Comment peut-on enseigner une culture corporelle ?/ (CD Rom des actes du colloque)./ed. par Gleyse J., Bui-Xuan G., revue Trema, n° hors série, Montpellier Asther Multimedia SA.

Vygotski L.S. (1994), La conception dynamique du caractère de l’enfant. In : Défectologie et défiscience mentale. Vygotski./ed. par Barisnikov K., Petitpierre G., Neuchâtel/Paris Delachaux et Niestlé, 237-258.

Vygotski L.S. (1985) Pensée et Langage. trad. F. Sève. Paris Messidor, Editions Sociales.

 

[1]  Sur la notion de conation peut être définie comme "ce qui pousse à agir" en fonction d'un système de valeurs incorporées. Pour plus de détails voir Turpin (1997)