INFLUENCE DE L'ENTRAINEMENT DE KARATE DANS L'EXECUTION DE LA MARCHE PIEDS NUS SUR LE FEU.
Antoine BAGADY
C.N.R.S. - Institut Alfred Fessard 91198 GIF-SUR-YVETTE CEDEX
L'observation des réactions comportementales du Karatéka montre que celui-ci acquiert, au cours de son apprentissage et de son perfectionnement, un meilleur contrôle de soi à travers le mouvement corporel (TOKITSU, 1979). La maîtrise de la peur, face à un contexte antagonique tel que rixe, combat ludique ou action induisant la peur, engendre des modifications psycho-physiologiques objectivables. La marche sur le feu est d'origine ascétique et poly-culturelle. Les travaux de BLAIVE (1968), WALKER (1977), LEMAIRE et DE SIKE (1990), montrent que celle-ci est sans danger réel. Les marches que nous avons réalisées, en contrôlant différents paramètres physiques (stabilité, dimensions, températures), ont permis d'éviter l'hyperémie cutanée et de confirmer les conclusions des travaux précédents. La marche sur le feu constitue donc une épreuve permettant de mettre en évidence l'influence de l'accoutumance au duel induite par l'entraînement de Karaté, sur l'appréhension naturelle.
Deux groupes de sujets volontaires, n'ayant jamais marché sur la braise, ont participé à l'expérimentation. L'un était composé de 16 personnes ne pratiquant aucun sport de combat et, pour la plupart, enseignants dans un Institut Supérieur de Formation Commerciale. L'autre était composé de 20 pratiquants de Karaté depuis au moins 3 ans, et issus de diverses catégories sociales. Pour chaque groupe, une réunion d'information d'une heure précédait la marche. Les conditions expérimentales étaient semblables: - combustible: bois de chauffage; -dimensions du lit de braises: 8 x 1,5 x 0,05m.; - températures approximatives: après stabilisation et en profondeur au bout de 5 minutes 800°C, pour une pose de 2 secondes en surface et au centre 38°C, en profondeur 85°C. Aucune brûlure n'a été décelée. Nombre de refus, temps de décision, description et renouvellement de la marche, constituent les critères mesurés.
Parmi les 16 personnes du groupe de non pratiquants: 4 se sont abstenues de parcourir l'allée, au dernier instant. Parmi les 12 marcheurs, 7, au visage crispé, ont montré une marche incertaine, accélérée, parfois effectuée sur la tranche ou sur la pointe des pieds; 8 ont eu un temps de décision supérieur à 2 minutes avant de marcher. Les 4 autres ont parcouru l'allée sans hésitation apparente et une personne a effectué un 2ème passage. Parmi les 20 personnes du groupe de karatéka: aucune ne s'est abstenue. Cependant, un marcheur a quitté l'allée après quatre pas (sur la pointe des pieds) et 2 marcheurs ont observé un temps de décision supérieur à 2 minutes. les 17 autres n'ont pas exprimé d'hésitation et parmi eux, 11 ont effectué un 2ème passage dont 4 un aller-retour.
Ces résultats montrent que l'entraînement de Karaté semble favoriser la détermination et l'aptitude à l'affrontement (aucun refus), l'augmentation du contrôle de la peur par une prise de décision rapide (temps de décision inférieur ou égal à 2 minutes) et une meilleure confiance en soi (marche franche et renouvelée).
Nous remercions l'ISFC d'Alençon et le Karaté-Club d'Evreux pour leur efficacité et leur aide dans la réalisation de cette étude.