L'implication de l'enseignant dans l'abandon de la boxe française

 

Muriel AUGUSTINI, Patrick TRABAL

Laboratoire de sociologie de l'INSEP 11, av. du Tremblay

75012 Paris

Tél. :0141 74 42 95 Fax: 01 41 74 45 35 Email : crjs.insep@wanadoo.fr

 

Mots-clés : sociologie, abandon, enseignant, boxe française

 

PROBLEMATIQUE

Face au turn over des licenciés de boxe française (54,2% en 1995), nous avons mené une étude destinée à déterminer les principales causes d'abandon de ce sport. Même si l'abandon est souvent induit par un faisceau de causalités, l'enseignant qui se situe au cœur de la pratique, y joue un rôle important (Patricksson, 1988 ; Skard et Vaglum, 1989). C'est pourquoi notre recherche a porté une attention particulière sur l'opinion des personnes qui ont abandonné la boxe française (BF) concernant leur enseignant et en particulier ses qualités pédagogiques et relationnelles dans la gestion du groupe des pratiquants et ses qualités didactiques d'organisation des contenus.

 

METHODOLOGIE

Pour déterminer les causes d'abandon de la BF, nous avons envoyé un questionnaire à 1 020 personnes ayant cessé sa pratique en 1995 ; 272 retours ont été exploitables et traités quantitativement. Parmi ces répondants, 87 ont abandonné la BF exclusivement pour des causes exogènes à sa pratique (maladie, horaires de travail incompatibles, service militaire,...). Les causes endogènes à la pratique (parmi lesquelles figurent principalement le décalage entre les attentes des boxeurs et les réalités de la pratique, la qualité des relations nouées au sein du groupe de pratique, la qualité de l'encadrement et des problèmes d'organisation de la pratique) concernent ainsi 185 sujets qui constituent la base de notre étude. Pour approfondir nos résultats statistiques, nous avons sollicité 9 de ces sujets pour répondre à un entretien semi directif sur lequel nous avons procédé à une analyse thématique.

 

RESULTATS ET DISCUSSION

Si nos sujets accordent souvent de nombreuses qualités à leur ancien enseignant de BF, il arrive aussi que celui-ci soit au centre du découragement de certains pratiquants.

Ainsi, 32% des anciens boxeurs que nous avons interrogés ont eu des problèmes relationnels avec leur moniteur, le trouvant antipathique, trop autoritaire ou estimant au contraire qu'il ne savait pas se faire respecter.

Rares sont les "abandonnants" qui remettent directement en cause les qualités didactiques de l'enseignant (7 seulement, soit 3,8% de l'effectif, disent "qu'il n'expliquait pas bien"). Le partage de la séance d'entraînement entre les différents types d'exercices est en revanche

souvent discuté puisque seulement 58 de nos sujets (soit 31,3% d'entre eux) en sont totalement satisfaits. Les autres regrettent principalement l'insuffisance du temps imparti aux assouplissements, aux assauts et aux exercices techniques, et la longueur du temps consacré à l'échauffement. Néanmoins, si ces regrets entrent probablement dans un faisceau de causalités qui conduit à se détourner de la BF, ils ne semblent pas constituer à eux seuls une cause d'abandon. Ainsi, lorsque les sujets furent sollicités, par une question ouverte, pour dire à quelles conditions ils seraient prêts à reprendre la BF, ils n'évoquèrent jamais un meilleur partage de la séance d'entraînement (plus d'assauts ou moins d'échauffement par exemple).

 

Deux reproches majeurs émis à l'encontre de l'enseignant sont en revanche susceptibles d'amener les pratiquants à se détourner de l'activité. 7 répondants dénoncent le manque d'investissement de leur moniteur dans son rôle d'encadrement de la pratique. Quant au reproche le plus fréquemment énoncé à l'encontre de l'enseignant, il concerne le fait qu'il s'occupe davantage de certains pratiquants (44,3% de nos sujets le pensent). Cette critique devient une cause d'abandon lorsque l'inégalité de traitement est vécue comme une véritable mise à l'écart. Ce sentiment, peu perceptible à travers les informations recueillies par questionnaire, apparaît en revanche très clairement en travaillant sur les entretiens. Cette mise à l'écart est quelquefois ressentie par les débutants lorsque l'attention du moniteur est retenue par les plus forts ou les plus doués. Ce sont parfois les pratiquants "loisir" qui se sentent rejetés lorsque l'enseignant s'occupe quasi exclusivement des compétiteurs. Enfin, la mise à l'écart touche parfois les femmes, quel que soit leur niveau.

Il faut noter que parmi les conditions d'apprentissage critiquées, l'absence de groupe de niveau est souvent dénoncée et constitue pour 16,7% de nos sujets l'une des causes de leur abandon. Dans ce cas, cette lacune n'est pas imputée à l'enseignant mais plutôt aux manques de moyens des clubs qui sont souvent hébergés dans des salles omnisports et qui n'arrivent pas à dégager suffisamment de créneaux horaires. L'hétérogénéité des niveaux au sein du groupe de pratique est évidemment regrettée par les plus faibles qui éprouvent des difficultés d'apprentissage, par les moins puissants (et les femmes notamment) mais aussi par les boxeurs de bon niveau qui ont l'impression de ne plus progresser.

 

CONCLUSION

Se focaliser sur une cause importante d'abandon, la qualité de l'encadrement, ne revient évidemment pas à remettre en question les compétences des enseignants de BF. Car il est certain que si l'on inversait le problème en s'interrogeant sur les causes de persévérance dans une activité, on montrerait également l'importance de leur rôle. Néanmoins, cette étude met en évidence certains problèmes relatifs à l'encadrement de la pratique de la BF et devrait permettre par une information et/ou une formation adaptée d'attirer la vigilance des enseignants sur ces problèmes.

 

BIBLIOGRAPHIE

Patricksson, G. (1988). Theorical and empirical analyses of drop-outs from youth sports in Sweden. Scandinavian Journal of Sports Sciences, vol. 10, l, 29-37.

Skard, O.,& Vaglum P. (1989). The influence of psychosocial and sport factors on dropout from boy's soccer. Scandinavian Journal of Sports Sciences, vol. 11, 2, 65-72.